La chasse en montagne, une pratique extrêmement technique; condition physique exigeante, équipement très léger, connaissance balistique importante, bref, une pratique un peu à part qui fait fantasmer bon nombre d’entre nous. Aujourd’hui nous vous proposons de poser les bases de la balistique nécessaire à la bonne préparation d’un tir en dévers (souvent synonyme de tir de montagne mais pas que !).
Une petite histoire d’abord,
Pierre chasseur débutant décide de partir chasser à la montagne, il observe un magnifique chamois en surplomb de sa position, 230 mètres télémétré. Il se dit comme il est vers le haut, il décide donc de mettre un petit plus vers haut que sa correction habituelle. Il tire, et lobe sa cible de peu… Heureusement pas de blessé mais c’est pas passé bien loin !
Mais qu’est t’il arrivé à Pierre ?
C’est ce que nous allons essayer de vous expliquer de manière “scientifique” afin d’éviter que cette mauvaise expérience ne vienne gâcher votre journée…
I )Le relief et son impact sur nos tirs
La montagne implique régulièrement que notre cible n’est pas obligatoirement au même niveau que nous, elle peut être plus basse ou plus haute. Entraînant ainsi un tir en dévers qu’il soit positif (vers le haut) ou négatif (vers le bas). Cet angle par rapport à l’horizontale est un élément extrêmement important à prendre en compte, en effet il va fortement influencer la chute de notre projectile. Mais aussi notre capacité à être stable et à gérer le recul dans des positions parfois difficiles.
Mais d’abord comment mesurer l’angle du tir ?
Il existe plusieurs techniques plus ou moins faciles à mettre en œuvre pour mesurer l’angle vers notre cible. La plus simple est souvent incluse dans notre télémètre; en effet, bon nombre d’entre eux mesurent à la fois la distance et l'angle par rapport à l’horizontale.
Certains télémètres dits "balistiques" permettent également la mesure de pression atmosphérique ainsi que la température, permettant ainsi de se passer d’une station météo.
Il est possible d’utiliser une application balistique qui utilise la caméra de votre téléphone ainsi que les capteurs du téléphone pour déterminer l’angle (Exemple : Strelok).
Il existe également des “inclinomètres” qui sont aujourd’hui désuets et hors de prix…
Passez votre chemin..
Mais pourquoi cet angle est important ?
Tirer avec un angle, qu’il soit vers le haut ou vers le bas, implique que la distance horizontale entre nous et la cible diminue par rapport à un tir “à plat”. Cette diminution de la distance dite “projetée” entraîne une diminution du travail du poids du projectile et donc une diminution de l’écartement du projectile de l’axe de visée. (on a l’impression que la balle chute moins). Assez contre intuitif pour beaucoup d’entre nous !
En résumé : Plus l’angle est important pour une distance donnée, moins on aura besoin de corriger la chute de notre projectile.
Et donc Pierre a fait l’inverse en décidant de corriger plus (viser plus haut, alors qu’il fallait viser plus bas qu’un tir à 230m à plat..)
-> Plus l’angle est important, moins la balle va chuter dans notre réticule.
Une vue de l’esprit pour comprendre : (à ne pas reproduire)
Si on vise une cible à 600 mètres parfaitement en aplomb (à la verticale) de notre position, alors n’y aura pas de chute du projectile visible dans notre réticule, en effet, la distance à l’horizontale de notre cible est maintenant de 0m (600m x cos (90) = 0m. La gravité, au lieu de dévier le projectile de sa trajectoire, n’aura plus comme effet que de ralentir le projectile si je tire verticalement vers le haut ou de limiter la perte de vitesse du projectile si le tir est vertical vers le bas.
Mais comment calculer la bonne correction à apporter à notre tir ?
Pour cela il vous faut déterminer ce que l’on appelle la distance projetée (parfois appelée distance corrigée)
Certains télémètre le donne directement, d’autre non, nous allons donc vous expliquer comment l’obtenir par un calcul relativement simple :
Distance corrigée = Distance mesurée par le télémètre x cosinus (angle du tir).
Pour la plupart d’entre nous, nous avons un smartphone dans la poche qui nous permet de faire ce calcul, si toutefois vous n’en avez pas, il est possible d’imprimer une petite table tel que celle ci pour vous aider dans vos calculs
Angle |
Cosinus |
Angle |
Cosinus |
Angle |
Cosinus |
Angle |
Cosinus |
|||
1 ° |
1,000 |
31 ° |
0,857 |
16 ° |
0,961 |
46 ° |
0,695 |
|||
2 ° |
0,999 |
32 ° |
0,848 |
17 ° |
0,956 |
47 ° |
0,682 |
|||
3 ° |
0,999 |
33 ° |
0,839 |
18 ° |
0,951 |
48 ° |
0,669 |
|||
4 ° |
0,998 |
34 ° |
0,829 |
19 ° |
0,946 |
49 ° |
0,656 |
|||
5 ° |
0,996 |
35 ° |
0,819 |
20 ° |
0,940 |
50 ° |
0,643 |
|||
6 ° |
0,995 |
36 ° |
0,809 |
21 ° |
0,934 |
51 ° |
0,629 |
|||
7 ° |
0,993 |
37 ° |
0,799 |
22 ° |
0,927 |
52 ° |
0,616 |
|||
8 ° |
0,990 |
38 ° |
0,788 |
23 ° |
0,921 |
53 ° |
0,602 |
|||
9 ° |
0,988 |
39 ° |
0,777 |
24 ° |
0,914 |
54 ° |
0,588 |
|||
10 ° |
0,985 |
40 ° |
0,766 |
25 ° |
0,906 |
55 ° |
0,574 |
|||
11 ° |
0,982 |
41 ° |
0,755 |
26 ° |
0,899 |
56 ° |
0,559 |
|||
12 ° |
0,978 |
42 ° |
0,743 |
27 ° |
0,891 |
57 ° |
0,545 |
|||
13 ° |
0,974 |
43 ° |
0,731 |
28 ° |
0,883 |
58 ° |
0,530 |
|||
14 ° |
0,970 |
44 ° |
0,719 |
29 ° |
0,875 |
59 ° |
0,515 |
|||
15 ° |
0,966 |
45 ° |
0,707 |
30 ° |
0,866 |
60 ° |
0,500 |
Et donc vous pourrez utiliser la correction “à plat” à la distance corrigée pour effectuer votre tir en dévers.
Prenons un exemple :
Le télémètre mesure 600 mètres de distance et un angle de 25°, le télémètre vous propose alors la distance corrigée suivante : 543 mètres.
Ce que le télémètre a fait en interne est le calcul suivant :
Distance mesurée x cosinus de l’angle.
Donc ici : 600 x cosinus (25°) = 600 x 0.906 = 543 mètres.
Ainsi, ce que nous dit le télémètre est d’utiliser la correction de notre table balistique à plat pour la distance de 543 mètres…
Ainsi même si votre balle va parcourir 600 mètres vous mettrez les clicks nécessaires pour tirer à 543 mètres à plat.
A partir de quand tenir compte de l’angle ?
On remarque que sous un angle de 8° la valeur du cosinus de l’angle est supérieure à 0.99 soit un écart de moins de 1%...
Ainsi, quand l’angle mesuré est inférieur à 8°, il n’est pas nécessaire de le prendre en compte.
tirer vers le haut ou vers le bas une importance ?
Cos (-25°) = Cos(25°), non il n’y a pas d’importance que vous tirez vers le haut ou vers le bas, la compensation à mettre sera toujours régie par le même calcul.
Un exemple pour comprendre :
Ma cible est à 600 mètres, angle de 25° vers le haut.
Les conditions météo sont les suivantes :
Pression atmosphérique 880 Hpa
Température 0 degrés
Je tire une munition de 6.5mm, 143gr ELD-X à 861 m/s avec un coefficient balistique de 0.315 G7.
La chute de mon projectile annoncée par un calculateur balistique sera alors de 3.4 milliradians (ou encore 11.6 MOA pour les lunettes en MOA) soit une chute de 202 cm par rapport à mon réglage à 100 mètres.
En comparaison, un tir à 600 mètres à plat (0° d’angle) dans les mêmes conditions météo (880 Hpa, 0°C) aurait entraîné une chute du projectile de 3.8 milliradians (ou encore 13.2 MOA) soit 230 cm.
-> Soit un écart de 28 centimètres pouvant facilement entraîner un raté ou pire une mauvaise balle.
Ce même tir à 600 mètres mais cette fois ci avec un angle de 25° vers le bas :
Correction : 3.4 milliradians (ou encore 11.6 MOA pour les lunettes en MOA) soit une chute de 202 cm par rapport à mon réglage à 100 mètres.
-> PAS DE DIFFÉRENCE QUE JE TIRE VERS LE HAUT OU VERS LE BAS !
Comment déterminer le nombre de clics nécessaires pour tirer au-delà de 200 mètres ?
Compte tenu du nombre de variables (distance, angle, température, pression atmosphérique, vitesse de sortie de la balle,...), nous ne pouvons que recommander l’utilisation d’un calculateur balistique performant pour ce genre de tir afin de garantir un tir éthique et correctement préparé.
Il existe aujourd'hui sur Android et ios bon nombre d'applications faciles d’utilisation et gratuites (Strelok / Lapua Ballistics / Norma Balistics / Applied Balistics / Hornady / …)
Quelques bases de balistiques pour mieux comprendre les résultats du calculateur balistique :
La balle, dès sa sortie du canon, chute car attirée par l'attraction terrestre
Nous avons une chance, l’attraction terrestre ne varie que peu avec l’altitude et donc cette force a une direction et une intensité considérées comme une constante quel que soit votre point sur Terre (dirigée vers le centre de la Terre d’une intensité tel que P = m x g)
Aller plus loin :
Où P = Poids = masse (m) X Constante de gravité (g)
Or, la masse d’un projectile reste identique sur sa trajectoire et la constante de gravité ne varie que très peu avec l’altitude.
g au niveau de la mer = 9.779m/s-2
g à 2857 m = 9.772 m/s-2
On considérera que le poids (la force qui fait chuter notre projectile) est constant quelque soit l’altitude.
Visualiser le phénomène :
Que vous soyez au niveau de la mer ou en haut de l’Everest, vous serez toujours attiré vers le centre de la terre avec la même intensité.
Notre projectile va également freiner dès la sortie du canon, et cela est dû principalement aux frottements entre l’air et le projectile. Ces frottements dissipent de l’énergie cinétique (et donc de la vitesse) et chauffent l'atmosphère et le projectile (n’essayez pas de ramasser un projectile au sol fraîchement tiré, il est brûlant).
Ces frottements sont très dépendants de la densité de l’air. Or, la densité de l’air dépend de la pression atmosphérique mais aussi de sa température.
En montagne, plus vous montez en altitude, plus la pression atmosphérique diminue, moins l’air est dense, moins votre projectile va freiner.
Visualiser le phénomène :
La pression atmosphérique diminue avec l'altitude,et donc plus on monte et moins chaque mètre cube d’air contiendra de molécules d’air (O2 et N2 majoritairement), c’est pour cela que nombre d’alpinistes grimpent les plus grand sommets avec des réserves d’oxygène pour éviter ce manque d’oxygène.
source : météo france
La montagne rime parfois avec températures assez extrêmes dans un sens comme dans l’autre. La température aura également un impact sur la pression atmosphérique, donc sur la densité de l’air et donc sur la résistance à l’avancement de votre projectile.
faible température = air plus dense = plus grande résistance à l’avancement = plus de chute.
Haute température = air moins dense = moins de résistance à l’avancement = moins de chute.
Afin de prendre en compte ces données physiques avec précision, nous ne pouvons qu’encourager l’utilisation d’une station météo de type Kestrel afin de connaître précisément la pression atmosphérique de l’air au moment de votre tir. Ces données peuvent ensuite alimenter un calculateur balistique performant. (Strelok / Applied Balistic / Hornady 4 DOF / …)
Le saviez-vous ?
On l'oublie souvent mais la vitesse de notre balle n’est pas constante; une munition ayant une vitesse de 860 m/s à 20 degrés, cette même munition donnerait par exemple une vitesse de 840 m/s à 0 degrés… Ainsi, il est important de connaître ses vitesses de projectiles quelque soit la température extérieure afin de garantir l'exactitude des vitesses de sortie.
-> Attention toutes les poudres ne sont pas aussi stables à la température ! Un chronographe et des munitions étuvées à des températures différentes mettent en relief ce phénomène.
La grande inconnue : Le vent
Calculer et compenser la chute d’un projectile est vraiment à la portée de tous aujourd’hui en 2024. En revanche, il reste une grande inconnue dans notre équation : le vent.
En effet, le relief entraîne des vents très difficiles à lire, dont l’intensité et la direction peuvent varier avec la distance, rendant les tirs lointains par condition venteuse un exercice à réserver à une élite entraînée.
Malheureusement ici nous n’avons pas de recette miracle, ni de savants calculs pour expliquer ce phénomène qui ne peut être maîtrisé que par une expérience du terrain et une bonne lecture du relief afin de comprendre l’écoulement de l’air le long de ce dernier.
Une solution est tout de même à notre portée : utiliser un projectile adapté aux tirs lointains (offrant un bon coefficient balistique et un travail à basse vitesse).
Prenons un exemple :
Pour deux projectiles d’une masse similaire, qui sortiront à la même vitesse de sortie (860m/s), à une distance de 600 mètres à plat dans les même conditions de vent : 5 m/s à 3h
140 gr Hornady Interlock SP coefficient balistique G1 de .465
143 gr ELD X coefficient balistique G1 de .625 (0.315 en G7)
Le projectile Interlock SP subira une déviation de sa trajectoire de 1.6 mil / (5.25 MOA) / 93 cm.
Le projectile ELD X subira une déviation de sa trajectoire de 1.1 mil / (3.7 MOA) / 65 cm.
Même poids, même vitesse, et pourtant le projectile ELD X sera 30% moins influencé par le vent ! Minimisant donc la grande inconnue qu’il nous reste : le vent.
De plus, la vitesse de l’impact de ce projectile ELD X sera de 612 m/s pour une énergie de 1739 Joules quand la vitesse résiduelle du projectile interlock ne sera que de 537 m/s soit une énergie cinétique de 1309 Joules !
Ajouté à cela le fait que le projectile ELD X a été conçu pour se déformer correctement à basse vitesse, chose que l’interlock n’est pas capable de faire
Conclusion :
Le tir de montagne est complexe lorsque les distances et les inclinaisons grimpent, nous ne pouvons qu’encourager l'entraînement dans ces conditions de dévers et d’altitudes avant de prendre un tir sur un animal.
Les distances citées dans l'article permettent d’accentuer les phénomènes, nous l'encourageons pas des personnes débutantes dans la pratique à s'adonner à ce genre de tirs de chasse. Un entraînement conséquence sera de mise